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Quand Mucha s’invitait à l’Hôtel de Caumont !

Quand Mucha s’invitait à l’Hôtel de Caumont !

Mucha, Maître de l’Art Nouveau !

Quand Mucha s’invitait à l’Hôtel de Caumont !

L’Hôtel de Caumont, un hôtel des plus particuliers

En plein cœur du quartier Mazarin est un hôtel particulier qui ne manque pas d’attirer les visiteurs, c’est l’Hôtel de Caumont. Ce lieu, qui a abrité pendant quelques décennies le Conservatoire de Musique Marius Millot est devenu depuis 2015 un Centre d’Art dans lequel se succèdent, au rythme de deux expositions temporaires par an, des noms et des œuvres de renommée internationale.
Devenu propriété du groupe Culturespace, qui gère notamment des sites d’expositions numériques et immersives comme celui des Carrières de Lumières aux Baux de Provence, l’Hôtel de Caumont s’impose désormais comme l’un des lieux incontournables de la culture aixoise.

Grille Hôtel de Caumont, Aix-en-Provence

Passer la grille de l’Hôtel de Caumont, c’est voyager dans le temps et pénétrer dans l’enceinte d’un cadre encore totalement marqué par les traces de l’époque qui l’a vu naître : le XVIIIème siècle. Et si ce lieu, dans les années qui ont suivi sa construction, est vite passé des mains du Marquis de Cabannes à celle du Marquis de Bruny, c’est la marquise de Caumont qui lui donnera tout son faste. Une décoration et un raffinement d’exception que Culturespace, sous l’égide des Bâtiments de France, a su redonner à ce prestigieux établissement, nous plongeant ainsi dans une atmosphère unique.

L’un des salons de l’Hôtel de Caumont Hôtel de Caumont

Depuis l’ouverture du Centre d’Art, dans des genres très éclectiques, plusieurs expositions se sont succédées. A commencer par Les Collections du Prince du Liechtenstein, en passant par le peintre vénitien Canaletto, Caravage, Turner, Bottero, Chagall, Nicolas de Staël, Hokusaï, Raoul Dufy, Yves Klein, ou encore Max Ersnt qui laissa place à celle qui vient de s’achever : Mucha, Maître de l’Art Nouveau.

Mucha, affichiste et humaniste

Affiche Exposition Mucha, lithographie La Danse, 1898

C’est en sortant de l’exposition de Max Ernst que l’affiche me tapa dans l’œil ! Tout l’Art de Mucha y est révélé ! Depuis longtemps, j’avais envie de partager quelques sensations autour de ce lieu où j’aime venir me délecter quelquefois. Le temps d’une exposition, d’un repas dans l’un des sublimes salons, ou d’un café en terrasse face à ce magnifique jardin à la française qui me ramène au cœur de mes origines tourangelles… J’étais venue trop tard pour relater dans les temps ma rencontre avec Max Ernst, mais cette fois je n’y échapperais pas : Mucha serait mon premier alibi ! Et c’est avec une rétrospective de cette exposition que je choisis de le faire.

Ce que je connaissais de lui avant de tomber nez à nez avec cette affiche ? Pas grand-chose, si ce n’est qu’il avait excellé dans l’art de l’affichage et de la publicité. Rien d’étonnant, donc, à ce que cette affiche m’interpelle instantanément !

Je contactai alors le service communication de l’Espace Caumont pour demander un accès Presse que l’on m’octroya sans réserve avant de me transmettre un copieux dossier de presse qui me permettrait d’en découvrir plus sur le parcours de cet artiste pluridisciplinaire, prolifique et engagé. Un humaniste quelque peu utopiste qui prôna toute sa vie la Paix Mondiale Universelle.

Sarah Bernhardt, une rencontre décisive

Affiche de Gismonda, Théâtre de la Renaissance, Alphonse Mucha, 1994

Après un passage par l’Académie des Beaux Art de Munich, Alphonse Mucha, né en République Tchèque, arrive à Paris en 1887 à l’âge de 27 ans. Il s’inscrit à l’Académie Julian puis à l’Académie Colarossi. Pour subvenir à ses besoins, il devient illustrateur de revues et journaux, mais c’est incontestablement sa rencontre providentielle avec la grande et « divine » Sarah Bernhardt, en 1894, qui fera de Mucha l’illustre affichiste qu’il est devenu ! En pleine période de fêtes de fin d’année, la comédienne, également directrice du théâtre de La Renaissance, commande à son imprimeur une nouvelle affiche pour rebooster la fréquentation de la pièce du moment, Gismonda.
En proposant un format atypique, représentant l’actrice grandeur nature, Mucha révolutionne alors le monde de l’affichage. Convaincue par cette proposition innovante, Sarah Bernhardt lui proposera un contrat de six ans, non seulement en tant qu’affichiste, mais aussi en tant que directeur artistique pour la conception de décors, costumes et accessoires. C’est à cette période que l’artiste se fait un nom dans le tout Paris, et à l’international.

Les affiches de pièces de théâtre se succèderont

Le Style Mucha

Grand « maître de l’Art Nouveau » – même s’il s’en est toujours défendu – tout l’art de Mucha réside dans de petits détails, souvent empreints du style rococo. Ceux qui définiront effectivement l’Art Nouveau, mais également, un peu plus tard, certaines bases de l’art urbain.

Plume, lithographie d’Alphonse Mucha, 1899

Au centre, une femme idéalisée ! Et tout autour des motifs décoratifs géométriques.
Usant de lignes, de courbes et de contrecourbes, Mucha sublime la sensualité des corps féminins à travers de voluptueux drapés. Les visages, marqués d’une certaine identité slave, semblent très souvent auréolés, et les chevelures se transforment en arabesques qui n’en finissent pas de nous transporter de détail en détail. Des cheveux la plupart du temps ornés de fleurs ou qui deviennent branchages.
Dans une palette de couleurs pastelles, entre réalisme avec la nature pour source d’inspiration, et stylisation avec l’usage de détails empruntés à l’art byzantin et à la culture slave ou encore de symboles appartenant à la franc maçonnerie, Mucha a su créer un style à part, parfaitement identifiable.

Zodiaque, Lithographie d’Alphonse Mucha, 1896-1897

 

La photographie et la perception extra-sensorielle

Parallèlement à ses travaux d’artiste peintre, d’affichiste et de décorateur, Mucha s’est adonné à la photographie tout au long de sa vie. S’il existe de nombreux clichés, Mucha ne les réalisait pas dans une volonté de les exposer, mais plutôt dans l’objectif d’exercer son sens de la composition. Des images qui venaient renforcer ses croquis et qu’il subordonnait ensuite à ses peintures. Mucha utilisait la photographie comme un moyen de capturer les détails de moments saisis sur le vif ou mis en scène. Pour mieux retranscrire la position d’un corps, un mouvement, l’intensité d’un regard, un décor, une lumière… Méthode qu’il a notamment utilisée pour l’affiche de Médée mais aussi pour toutes les grandes scènes représentées dans L’épopée slave.

Médée, parfaite illustration de l’utilisation de la photographie et l’hypnose dans le travail de Mucha

Dans le cas de Médée, Mucha s’appuie également sur la pratique de l’hypnose. En effet, l’artiste, comme beaucoup de symbolistes à cette époque, se passionne pour les sciences occultes. Il utilisera l’hypnose pour étudier l’expression des émotions et les rapports entre musique, gestes et sentiments.
Ainsi, le regard halluciné de Médée sur l’affiche de la pièce interprétée par Sarah Bernhardt s’inspire de l’une de ces émotions.

Par ailleurs, ce champ mystérieux et les regards habités des visages féminins se retrouvent dans la plupart des œuvres et affiches de Mucha, jusque dans son travail de publiciste. Là encore, la délectation procurée par la consommation des produits mis en avant se révèlent à travers le regard ou l’exaltation suggérée par des yeux mi-clos.

Mucha, précurseur du marketing visuel

Mucha et la publicité

La croissance industrielle générée dans le contexte de La Belle Epoque suscite un développement phénoménal de la publicité et de ses dérivés. Et, Mucha, dont le savoir-faire est déjà bien avéré ne manque pas de marquer son époque dans ce domaine-là, également. Maîtrisant à la perfection tout l’art d’amener le regard du spectateur ou du consommateur sur les éléments essentiels d’une affiche ou d’un objet, il signera de nombreux contrats avec des marques de renom, leur insufflant une véritable identité visuelle. Il collaborera par exemple avec Moët & Chandon, Les bières de la Meuse, le papier à rouler JOB, ou encore une société de chemins de fer.

Objets publicitaires

Considéré par certains comme précurseur de théories marketing, il adaptera sa technique aux objets de volume, notamment pour la biscuiterie LU, ou encore dans le domaine de la parfumerie et celui de la bijouterie. Au delà de son travail publicitaire, Mucha dessinera par ailleurs toute une collection de bijoux pour l’orfèvre Georges Fouquet.

Maître de l’Art Nouveau et instigateur de l’Art Urbain.

En plus de son désir d’exprimer des messages de manière symbolique, Mucha manifeste une vraie volonté de rendre l’art accessible au plus grand nombre. En s’affichant dans la rue à travers ses affiches, mais surtout en mettant à profit les technologies innovantes de la lithographie qui permettront à ses œuvres d’être dupliquées et diffusées dans le monde entier à des prix bon marché. Une véritable révolution dans le monde de l’art jusqu’alors particulièrement élitiste. Ce fut le cas pour les séries Les Arts, Les Moments de la Journée, et Les Fleurs, par exemple…

Les moments de la journée, lithographies d’Alphonse Mucha 1899

Pour tout cela, on peut dire que l’Art Nouveau est le premier mouvement artistique véritablement mondial, et que Mucha en fut le maître. Mais au-delà de ce mouvement, il semble évident que Mucha aura également instigué les fondements du Pop Art et plus encore, ceux de l’Art Urbain.
Et, quand on s’intéresse un tant soit peu aux œuvres de Shepard Fairey, plus connu sous le pseudonyme d’Obey Giant, il ne fait aucun doute que celui-ci s’en soit inspiré. Les fleurs dans les cheveux et les motifs géométriques autour de certains visages de femme en sont d’ailleurs une bien belle illustration !

Make Art Not War, Obey Giant

Tête byzantine, brunette, Alphonse Mucha. 1897

Alors, quand on révolutionne à tel point le monde de l’Art, on ne peut que l’affirmer sans ambages : Mucha, se positionne incontestablement comme le maître de l’Art Nouveau !

La Plume, le Salon des Cent et l’Exposition universelle

Affiche Salon des Cents, Mucha

En 1896, Alphonse Mucha rejoint le Salon des Cent, un groupe d’artistes avant-gardistes soutenu par l’influente revue La Plume, proche du mouvement symboliste, qui lui consacrera un numéro spécial, en 1897, à l’occasion d’une phénoménale exposition de 448 œuvres crées au cours des deux années précédentes. Evidemment, l’artiste composera l’affiche de cette exposition qui remportera un vif succès et le confortera dans sa position d’artiste populaire, à l’identité tchèque et engagée bien affirmée.
En 1900, dans le cadre de l’Exposition Universelle de Paris, Mucha reçoit plusieurs commandes du gouvernement autrichien qui le charge notamment de la réalisation de son affiche et de la décoration du Pavillon de la Bosnie-Herzégovine. Sa première proposition d’affiche illustrant les souffrances du peuple bosniaque censurée par l’empire Austro-Hongrois déclenchera une prise de conscience qui amènera l’artiste à s’écarter d’un travail trop souvent décoratif pour s’adonner à un art plus engagé, au service de sa patrie.

Mucha et la Franc-maçonnerie

Le Pater, illustré par Mucha

Dans l’entre-temps, en 1898, Mucha entre en Franc-maçonnerie et est initié dans la loge du Grand-Orient de France. En 1899, il illustrera Le Pater, une interprétation personnelle du Notre Père publiée la même année par Henri Piazza dans une édition limitée. Ses illustrations comportent de nombreux détails maçonniques. Des symboles – comme l’équerre, le compas et le maillet – que l’on retrouvera ensuite dans nombre de ses œuvres. Mucha sera très actif en franc-maçonnerie jusqu’à être élu Souverain Grand Commandeur du Conseil Suprême Tchèque en 1922 ; une implication qui lui vaudra d’être arrêté et interrogé plusieurs jours par la Gestapo, en 1939. Très affaibli, il mourra quelques mois plus tard, à presque 79 ans.

L’Epopée Slave

Affiche 10ème anniversaire de l’indépendance de la République Tchèque

De plus en plus convaincu que son art doit basculer vers un engagement humaniste au service de sa patrie, Mucha rentre en Bohême en 1910. Après avoir réalisé les fresques murales de la Maison Municipale de Prague, il s’installe au Château de Zbiroh avec sa famille et s’attèle aux premières toiles de son Epopée Slave.
Pendant plusieurs années, il voyagera de la Pologne à la Russie afin d’alimenter ce projet, tout en prônant l’union politique des pays slaves d’Europe Centrale et de l’Est sous domination austro-hongroise. Hormis quelques affiches et contributions pour son pays, dont des timbres postaux et des billets de banque pour la nouvelle République Tchèque, il refusera toutes commandes commerciales au profit d’œuvres plus puissantes, au message pacifique. Des toiles percutantes et particulièrement émouvantes, qui contrastent avec son travail précédent. A la légèreté de ses affiches se succèdent des toiles tourmentées et des visages apeurés, comme Couple mort abandonné, Jeune fille en pleur, ou encore Russia Restituenda.

La lumière de l’espoir

Néanmoins, Mucha se veut porteur d’optimisme et de Paix Mondiale Universelle, un message flagrant dans l’œuvre la plus remarquable de cette exposition : Le chant de Bohème. Mais également dans La lumière de l’espoir, ou encore Le baiser de la France à la Bohême. Le travail de la lumière sur ces trois œuvres est impressionnant. Epoustouflant. Véritablement éblouissant !

Le Chant de Bohême, Huile sur toile 1918

Bien entendu, l’exposition n’aurait pas été totalement aboutie si elle n’avait évoqué un tant soit peu L’épopée slave. Une fresque historique retraçant l’histoire du peuple slave de l’antiquité à l’indépendance de la Tchécoslovaquie. Cette œuvre monumentale, composée de 20 tableaux, ayant été offerte par l’artiste à la ville de Prague lors du dixième anniversaire de l’indépendance de la Tchécoslovaquie, en 1928, ne pouvant être transportée, c’est une installation numérique qui la représentait dans la dernière salle d’exposition. Cette présentation immersive offrait un avant-goût de ce que nous pourrons découvrir à Prague, en 2026, dans un nouveau lieu d’exposition consacré à ce qui est incontestablement le chef d’œuvre de Mucha !

Prochain voyage…

En attendant de pouvoir nous offrir ce beau voyage, l’Hôtel de Caumont nous conviera du 30 avril au 6 octobre 2024 à venir découvrir sa prochaine exposition : Bonnard et le Japon.

Bonnard et le Japon, Hôtel de Caumont. L’Amandier en fleurs, 1930

Cette fois, c’est au cœur de l’art japonais que nous serons immergés, puisqu’à la fin du XIX siècle, Bonnard se détourne du réel et de l’impressionnisme, pour se plonger dans de nouvelles recherches esthétiques et se concentrer sur le mouvement, le contraste des couleurs, la lumière, l’aplanissement de l’espace et l’expression de sentiments éphémères.

Femmes au jardin : Femme à la robe à pois blancs, Pierre Bonnard. 1891

Parallèlement aux œuvres inspirées de ce « Nabi très Japonard » qu’était Bonnard, et pour appuyer l’influence de l’esthétique japonaise sur l’artiste, sera présentée une sélection d’estampes de la collection Leskowicz.
D’ici-là, n’oubliez pas, en dehors des périodes d’exposition, l’Hôtel de Caumont reste ouvert ! Une merveilleuse occasion de venir déjeuner, déguster une pâtisserie, prendre un café ou un thé, dans un salon atypique, ou mieux encore, dans le jardin, sous un doux rayon de soleil printanier !

Jardin à la française de l’Hôtel de Caumont

Et, parce que La Grâce est au cœur de l’œuvre de Mucha, et qu’elle était également le thème de ce dernier Printemps des Poètes, je vous invite à découvrir une poésie écrite pour l’occasion : ELLE, tout droit sortie d’une affiche de celui qui s’est invité plusieurs mois dans cet hôtel tellement particulier !

ELLE, poésie en partie inspirée par l’oeuvre de Mucha. Printemps des Poètes 2024

 

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