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Ô frontières amères !

A la frontière de cette terre était la mer,
La franchir lui laisserait un goût amer.
Il quitterait bientôt son père, ses frères, sa mère.
Sa mère qui, chaque jour, sur le rivage, déverserait ses prières. Ses larmes.

« La mer, la vaste mer, console nos labeurs ! »
Ces quelques vers, il les tenait de Baudelaire.
« Loin ! Loin ! Ici la boue est faite de nos pleurs ! »
Ici la vie a engendré la peur ! On meurt !

La poésie était devenue son seul refuge
Avant que ses propres écrits ne le proclament transfuge.
Transfuge d’un état coupable de barbarie,
Au sein duquel tout n’était plus que vilénie.

Pendant que certains crient, d’autres rient. Les autres prient.
Pendant que certains dansent, d’autres tombent.
Autour de lui c’est l’hécatombe !
Pas question de creuser sa tombe.

Un battement de zèle eut été salvateur,
Un poème en guise d’hommage au dictateur
Dans lequel il aurait mis un peu d’ardeur ?
Non, chez lui aucune complaisance. Juste quelques petites bombes.

Nul quatrain, aucun sonnet ne saurait les raisonner.
Pour eux, sa plume était empoisonnée.
Sa liberté de penser emprisonnée,
Il lui fallait maintenant se sauver. Sans ailes !

« Emporte-moi, wagon ! Enlève-moi, frégate ! »
Point de frégate n’était jamais venue,
La fuite était devenue sa seule issue.
Il lui faudrait, demain, s’échapper à la hâte.

Lui qui n’avait jamais mis les pieds dans l’eau,
Se rêvait petit poisson, ou plutôt grand oiseau.
Point de passeport, point de visa, point de frontière.
Ainsi, il s’élèverait au-dessus de tout, au-dessus des flots.

Grue cendrée, ou flamant rose ? Ô comme il aurait aimé être une blanche cigogne !
Messager des cieux, il l’aurait été sans vergogne.
Mais rien de cela, ici ça cogne !
Dans une patera de fortune, il embarquera. Sans elle !

Il laisserait Aïssatou,
Sa muse, son tout…
En elle germait un petit bout.
Le saurait-il un jour ?

A la frontière de la vie était la mort,
A la frontière de la mort vivait encore l’espoir.
Sur le front, hier, c’était la guerre,
A la frontière de la guerre, demain peut-être, la paix.

Poésie achevée le 6 mars 2023
Dans le cadre du Défi n°5 du collectif d’écriture Elles préfèrent le court
Printemps des poètes 2023, sur le thème Frontières
Image : Détail de L’homme au coeur lourd de Batoula Bencheikh. Acrylique sur toile 60×70
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Ô frontières amères ! – Vidéo

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2 thoughts on “

  1. Ben ! iIntéressant … Tout cela ….Encadré d’une belle peinture et d’une musique bien soutenue…
    Des mots profonds et un appel à la beauté simple.

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